Siham Rizkallah (FSE, 2000) : le Triangle d’incompatibilité
Si la référence à la littérature économique, notamment le Triangle d’incompatibilité de Mundell-Fleming, explique entre autres la perte de l’indépendance de la Banque du Liban en présence d’une mobilité parfaite des capitaux et d’une fixité du taux de change depuis 1997, la remise en cause des choix préalables ne justifie en aucun cas le passage aujourd’hui au flottement du taux de change dans une économie dollarisée à plus de 90%. Toute la revue de littérature sur la dollarisation confirme l’impossibilité d’assurer une autonomie de la Banque Centrale en situation de dollarisation très élevée et irréversible, telle que celle du Liban depuis plus de 40 ans, puisqu'elle limite au maximum l’efficacité des instruments monétaires traditionnels, qui n’influencent plus que la partie de la liquidité qui est toujours en monnaie nationale (qui ne dépasse plus 10% sur le marché).
De ce fait, il n’est pas du tout efficace d’opter pour le flottement libre du taux de change, du fait de l’incapacité de la BDL de poursuivre la politique d’intervention sur le marché de change (après l’épuisement des réserves en devises étrangères, selon son dernier rapport qui montre qu'il ne reste que partiellement des réserves obligatoires sur les dépôts en devises étrangères). Le maintien de la mobilité des capitaux (en raison de l’indécision du parlement quant à voter la loi de contrôle des capitaux, laissant au secteur bancaire la liberté de discriminer dans les transferts et retraits depuis le début de la crise) ne permet pas de déduire que cela favoriserait l’autonomie de la Banque Centrale dans sa conduite monétaire.
Un tel passage au flottement libre dans un pays où l’État n'ose même pas payer les salaires de ses fonctionnaires du secteur public en monnaie nationale ne fera qu'accentuer et aggraver le processus de dollarisation partielle rampante jusqu’à devenir intégrale, et imposera aux autorités publiques de la reconnaître officiellement (ce qu'elles ont déjà commencé à préparer en promettant l'introduction d'impôts et de taxes en dollars pour couvrir les dépenses publiques devenues entièrement en dollars, y compris les salaires des fonctionnaires de l’État). La sortie de l’impasse par une solution radicale ne peut se faire en dehors d’un Hard Peg (Caisse d’émission voire Dollarisation intégrale officielle, avec maintien de la monnaie nationale pour régler les fractions des montants de transactions inférieures à 1 dollar, comme c’est le cas en Équateur).
Siham Rizkallah est Maître de conférences à la Faculté des sciences économiques (FSE) de l’USJ. Elle détient une Licence en sciences économiques (2000), une Maîtrise (2001) et un Diplôme d’études spécialisées en politique économique (2003) de la FSE ainsi qu’un Doctorat en sciences économiques de l’Université Paris Sud (2007).
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