Jean Marie Megarbane (FMD 1968): Retour dans le temps, les Anciens de Syrie
Dans la période d’avant-guerre, Un grand nombre de diplômés de l’USJ étaient d’origine syrienne. Dans ce contexte, on a interviewé Pr Jean-Marie Megarbanne, lui-même originaire d’Alep.
- Pouvez-vous nous décrire la faculté quand vous étiez étudiant ?
En 1965 ,lorsque j’ai débuté mes études , la Faculté de Médecine Dentaire d’aujourd’hui s’appelait Ecole Dentaire et notre profession était qualifiée d’Art Dentaire et non de Médecine Dentaire.
Outre la Consultation, 4 départements se partageaient l’Ecole Dentaire : Dentisterie Opératoire (E.Aramouni), Prothèse Conjointe (G.Chidiac), Prothèse Adjointe (Y. Konyalian) ,Chirurgie (A.Bouez) avec un Directeur (M.Cosmidis) et non un Doyen.
Les années d’études étaient au nombre de 4 et l’enseignement était dispensé sous forme de cours-lecture à prendre en note sans moyens audiovisuels le plus souvent et dépendait beaucoup plus de l’expérience et de la façon de pratiquer de l’enseignant que d’études et références bibliographiques. Les sciences de base fondamentales tellement indispensables pour la formation d’excellence de nos jours étaient méconnues et reléguées au second plan par rapport à l’aspect pratique et mécanique de la profession.
Chaque promotion était formée d’une quinzaine d’étudiants qui ne dépassaient jamais les 20 diplômés par année ,ce qui ne pouvait que favoriser non seulement un meilleur encadrement mais surtout
une meilleure garantie au niveau du marché du travail .
D’un point de vue social, Le café-resto ‘’Le Carabin’’ face à la Faculté servait de lieu de rencontre à tous les étudiants des Facultés de Médecine, de Pharmacie et de l’Ecole Dentaire ,ce qui créait plus de convivialité et d’inter –relations entre les 3 institutions. Les bals annuels étaient annoncés par des cortèges de voitures et klaxons à travers les rues les plus populaires de la ville et partaient de la rue de Damas jusqu’à sillonner Bab Idriss et Hamra.
La Promo FMD 1968 à la faculté
- Entre vous et votre père vous avez vécu une grande partie de l’histoire de la FMD, quels en sont les points les plus marquants à votre avis ?
L’influence omniprésente de la France est certainement le grand dénominateur commun entre mon père et moi malgré les 30 ans qui séparent l’obtention de nos diplômes.
Mon père a été diplômé en 1938 sous la supervision d’enseignants essentiellement français tels le R.P.Dupre Latour, Dr .Chatellier et autres alors que mes enseignants en 1965 étaient exclusivement libanais ayant effectué un séjour de perfectionnement en France à l’Institut de Stomatologie auquel nous liait une convention. Les enseignants de cet Institut tels les Prs Dechaume, Cernea, Brunel, Lackermance étaient mandatés de temps à autre en mission à L’Ecole Dentaire pour dispenser des mises à jour respectives à leur pratique.
FMD 1936
En 1970, la France avait créé le Certificat d’Etudes Supérieures (CES) aussi bien en sciences de base qu’en spécialités et ceci devait constituer le diplôme- passage obligé en vue d’une spécialisation sérieuse suivi aussitôt du Doctorat en Sciences Odontologiques (DSO) pour arriver au niveau du 3eme cycle à une équivalence avec les diplômes anglo-saxons de M.Sc. et Ph.D. Cette évolution devait favoriser l’objectivité dans l’évaluation des CV des praticiens quant à leurs titres et travaux.
Outre mon père et à ma connaissance, la Promotion 38 a groupé un certain nombre de dentistes dont les fils ont assuré la continuité tels Elie Maalouf (1966), Georges Tawil (1972), Fouad Khoury (1978).
- Depuis l’époque de votre père et aussi pendant la vôtre, un grand nombre de diplômés à la FM ainsi qu’à la FMD sont, comme vous, originaires de Syrie. Pourquoi le choix de l’USJ ?
L’influence prépondérante de la France en général et de la Compagnie de Jésus (Jésuites) en particulier sont certainement les 2 raisons essentielles d’attraction des étudiants de Syrie qui a vécu tout comme le Liban le mandat français alors que les autres pays de la région tels la Jordanie, l’Irak et l’Egypte étaient sous mandat anglais et dispensaient l’enseignement en langue anglaise.
Les Pères Jésuites de par leur formation rigoureuse représentaient la meilleure garantie de l’excellence dans l’enseignement aussi bien au niveau des études scolaires (NDJ) qu’universitaires (USJ).
Aussi les évènements géopolitiques en Syrie ont favorisé le choix de nombreuses familles soit de s’installer au Liban tel le cas de mon père en 1965, soit d’y envoyer leurs enfants pour poursuivre leurs études. C’est ainsi que la Faculté a forme plusieurs générations de médecins originaires de Syrie tels Roland Antaki et ses fils Amine, Samir, Nabil, Alexandre Abela et son fils Anthony, Antoine Hovaguimian et son fils Teddy, Antoine Chidiac et son fils Abdallah, des pharmaciens tels Zakharia Hannouche et son fils David , des dentistes tels Georges Ekmekji et sa fille Miralda , Antoine Elian et son petit-fils Joe, Riad Nafache et Georges Kandalaft(1966), Marie Claire Hovaguimian Saba(1968), Heidi Ibrahim et Abdel Rahman Youssef(1970), Dalal Arsan, Samir Bachkhoungi ,Houssam Cheikho et Tony Satel,(1972), Jean-Paul Khayath ,Tony et Gaby Mahfoud,Walid Ghalie (1976), Farid Boustani(1977), Pierre Azar(1979) pour n’en citer que quelques-uns.
- Cette année vous aurez 50 ans de carrière à votre compte, quel message aimeriez-vous adresser aux nouveaux diplômés de la FMD ?
Nous vivons une époque où la profession dentaire traverse une période d’adaptation à divers courants composés de Technologies de pointe, de Marketing industriel médical et paramédical, de Management de cabinets et polycliniques……Nonobstant que l’enseignement devra judicieusement savoir s’y adapter , le praticien devra néanmoins garder en mémoire que l’aide au malade ainsi que la conservation de dents saines et fonctionnelles restent le principal objectif de notre profession et par conséquent , avoir la sagesse de faire le tri de toutes ces avancées technologiques pour les adapter à son patient et non le contraire.
Par ailleurs, je conseillerai à mes nouveaux collègues de pousser au maximum leurs études si possible, de s’abonner à des revues de haut niveau, de suivre formations continues et congres mais aussi de prendre très vite l’habitude de toujours documenter leur travail par des archives et des moyens audio visuels pour mieux en surveiller la qualité et la pérennité .En appliquant cela, j’ai pu ainsi observer 47 ans de profession s’écouler entre ma 1ere publication en 1971 dans le’’ Journal Dentaire Libanais’’ et la dernière en 2018 dans le’’ International Journal of Periodontics and Restorative Dentistry’’.
De même je souhaiterai rappeler aux nouveaux diplômés que l’Etre Humain, son individualisation et ses spécificités ainsi qu’un choix très minutieux de toutes les propositions technologiques doivent être constamment au centre de notre logique et de nos options thérapeutiques.
L’Excellence enfin ne peut être obtenue que si on sait allier Compétence et Honnêteté. L’Excellence, c’est aussi avoir la sagesse de savoir être suffisamment honnête pour reconnaitre les limites de nos compétences dans certaines pratiques et accepter de collaborer en équipe afin que le bien de notre patient soit plus impératif que la réalisation de notre Ego.
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