A la découverte de nos origines : le Musée de Préhistoire libanaise
Situé à Beyrouth, le Musée de Préhistoire libanaise (MPL), rattaché à la FLSH de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, nous entraîne dans une exploration des origines de l'humanité, mettant en lumière les découvertes et les recherches menées par des figures clés : les Pères Jésuites. Dans une interview exclusive, la directrice du Musée, Maya Haïdar-Boustani, brosse un portrait unique de ce porteur de mémoire.
Maya, archéologue spécialisée en préhistoire, a façonné son parcours académique avec une passion profonde pour les origines. Titulaire d'un doctorat en préhistoire, elle a centré ses recherches sur les collections des Pères Jésuites. Sa fascination pour la préhistoire découle de sa réflexion sur le rôle du Liban dans la naissance de l'agriculture. « Choisir la spécialisation en préhistoire était une évidence. Le Néolithique m'a particulièrement captivée en raison de sa richesse, de sa diversité et de sa proximité avec nous, marquant le début de l'agriculture et le développement de la sédentarisation. ».
Depuis l'inauguration du MPL en 2000, Maya a été témoin de son évolution, devenant elle-même la directrice en 2014. Le Musée trouve ses racines dans le travail des Jésuites, qui, dès la fin du 19e siècle, ont entrepris des recherches sur la préhistoire au Liban : « Les toutes premières découvertes reviennent au Père Zumoffen, le géologue. Quand on est géologue, on se promène dans la nature avec un marteau pour étudier la géologie du pays, et, forcément, il a trouvé des artefacts ». Maya souligne qu’à l'époque, il s'agissait davantage d'un « noyau » réservé aux jésuites préhistoriens et à leurs collaborateurs scientifiques, et que ces travaux étaient une initiative personnelle pour les Jésuites. Elle évoque les débuts des découvertes faites par les Jésuites, soulignant l'importance de leur initiative personnelle. Les premières fouilles et découvertes, bien que présentant certaines lacunes, ont jeté les bases de la connaissance sur la préhistoire au Liban et sont également accessibles aujourd’hui aux chercheurs pour des études postdoctorales et des collaborations. La mission actuelle du MPL est de rendre la préhistoire accessible, pédagogique et de faire connaître le patrimoine libanais, tout en combattant les préjugés associés à cette période. « Notre objectif est de sensibiliser le public à l'importance de nos origines. Nous voulons combattre les préjugés sur les hommes de la préhistoire, montrant qu'ils étaient dotés d'une sensibilité et d'une intelligence extrêmes. Nous espérons également susciter de nouvelles vocations pour la préhistoire ». Pour y parvenir, le Musée propose diverses activités éducatives, des visites guidées pour les scolaires aux ateliers sur des thèmes préhistoriques, contribuant ainsi à diversifier ses offres. Les ateliers invitent les jeunes à se familiariser concrètement avec divers aspects de la préhistoire : de la poterie à la chasse, en passant par la parure et la vannerie, les participants expérimentent les techniques inventées par les hommes préhistoriques : « Ces ateliers sont basés sur une recherche scientifique préalable, permettant aux participants de fabriquer objets à la manière des préhistoriques », explique Maya.
La visite du Musée offre une exploration thématique et chronologique (du Paléolithique au Chalcolithique) de la préhistoire libanaise, s'adaptant au niveau des visiteurs. Les vitrines sont accompagnées de textes explicatifs bilingues. Les écoles, venant de toutes les régions du Liban, fréquentent régulièrement le Musée, renforçant ainsi le lien entre l'éducation formelle et l'expérience muséale. Les collaborations avec des artistes, comme l'exposition de David Daoud en 2019, enrichissent l'expérience des visiteurs en mettant en lumière les liens entre les matières naturelles utilisées par les artistes contemporains et les peintures préhistoriques : « Nous avons été sollicité par un artiste franco-libanais, David Daoud, en 2019, qui a exposé ses œuvres pendant deux mois au MPL. Daoud utilise des matières naturelles qu’il prépare lui-même. Son travail présente des points communs avec les peintures préhistoriques, et il nous a offert un tableau qui est exposé au Musée ». D'autres artistes, tels qu'Alain Vassoyan, ont également collaboré avec le MPL. Lors de « La Nuit des Musées », Vassoyan et le MPL ont lancé un projet de dessin avec les enfants. Après la visite guidée, les enfants étaient invités à imaginer la femme préhistorique et à la dessiner, tandis que Vassoyan, aux côtés des enfants, créait sa propre représentation de la femme préhistorique. « Quand on a réouvert le musée après deux ans de fermeture forcée à cause de l’explosion du 4 août, Vassoyan a réexposé la femme qu’il avait modelé ainsi que d’autres œuvres : on a ouvert les vitrines et il y a lui-même installé les objets, selon ce que chaque vitrine lui inspirait par rapport aux représentations qu’il avait réalisées ». Malgré la violente explosion du 4 août, le MPL a survécu sans dommages aux objets exposés. Les structures de l’établissement ont été endommagées, mais aucune pièce n'a été brisée. Maya souligne les efforts pour sécuriser les objets et reconstruire les infrastructures, soulignant la résilience du Musée face à des défis inattendus. En parlant des projets de recherche en archéologie, Maya met en lumière un projet de six ans en Syrie, de 2004 jusqu’en 2010, soulignant l'importance de la découverte d'un site majeur datant du Natoufien, une époque clé témoignant de la sédentarisation préalable à l'agriculture dans le Proche-Orient. D’autres projets ont été également réalisés, telles que des missions de fouilles dans le site de Labwé dans le caza de Baalbek, dans le Kesrouan, et dans l’Anti-Liban. « Nous avons aussi collaboré dans un projet de mise en valeur de quelques sites mégalithiques à Menjez au Akkar, et à la fondation de ce que l’on a appelé la « maison du patrimoine de Menjez », étant donné que le Père Tallon, dans les années 1960, a fouillé les tombes mégalithiques de la région, et le matériel qu’il a exhumé se trouve chez nous, ses archives, ses carnets de fouilles, etc. ».
Malgré les interruptions, le Musée de Préhistoire libanaise maintient son dynamisme et poursuit ses projets de recherche et collabore activement à des expositions et des initiatives de préservation du patrimoine. Le Musée s’esquisse comme gardien des origines et de la mémoire du pays. Il se positionne comme une entité essentielle invitant la population et la jeunesse libanaise à s’immerger et à s'engager avec le riche passé préhistorique du Liban. Ce faisant, il contribue à renforcer le lien entre les générations actuelles et les racines historiques du pays, favorisant ainsi une meilleure compréhension et appréciation de son héritage culturel.
Le MPL est ouvert au public du mardi au vendredi, de 8h30 à 16h30 et les samedis pour les groupes et sur réservation. Il ferme les dimanches et lundis ainsi que les jours fériés et les vacances universitaires.
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