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L'USJ, 150 ans de combat pour la francophonie

Interviews

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16/04/2025

Tiré de La Croix

« La francophonie fait partie de nos gènes », martèle le père Salim Daccache s.j., Recteur de l’Université Saint-Joseph à Beyrouth (USJ) auprès de La Croix, à l’occasion du 150e anniversaire de ce pilier du secteur éducatif libanais. Fondée en 1875 par les jésuites, l’USJ regroupe aujourd’hui 13 Facultés, des sciences religieuses à la médecine, en passant par l’ingénierie, le droit ou les lettres, et 18 Instituts et Écoles spécialisés, dans plusieurs Campus répartis entre Beyrouth et les régions du Nord, du Sud et de la Békaa.

L’USJ, c’est aussi un réseau hospitalier sur l’ensemble du territoire dont la tête de pont est l’Hôtel-Dieu de France, l’un des établissements de pointe de la capitale.

Cet anniversaire est marqué par un contexte complexe, alors que le Liban sort difficilement de plus d’un an de guerre entre le Hezbollah et Israël, qui a détruit un pays déjà mis à genoux par la crise économique depuis 2019. « Des années terribles », résume le Recteur.

Plus de la moitié des jeunes Libanais font leurs études en anglais

Ces épreuves, l’USJ les a traversées « en combattant », afin de poursuivre ses missions premières, celle du « droit à l’éducation » et de « l’accompagnement de la classe moyenne, afin qu’elle ne sombre pas ». « Cette année, nous avons attribué des bourses à près de 6 600 étudiants sur un total de 12 000 élèves », indique le père Daccache.

Si les années de crise ont laissé des traces, l’USJ est aujourd’hui « tirée d’affaire », grâce aux amis et aux réseaux d’anciens étudiants, et au coup de pouce « de la Providence », malgré de nouveaux défis, dont la baisse de la francophonie au Liban. Une tendance que le Recteur explique par un marché du travail dominé par la langue de Shakespeare, notamment au Moyen-Orient et dans les pays du Golfe.

Au Liban, « plus de 50 % des écoliers font leurs études en anglais durant leur parcours scolaire », précise-t-il. Quant aux quelque 3 400 lycéens diplômés d’un bac français, l’USJ réussit à en capter un millier, les autres choisissant la France. « Après le 4 août 2020 (la double explosion au port de Beyrouth, NDLR), nous avons assisté à un départ massif des jeunes après le bac, ce qui nous a privés d’étudiants francophones. »

« Nos étudiants ont la chance d’être trilingues – arabe, français, anglais –, et une langue, c’est une opportunité de plus. Nos diplômés trouvent du travail en l’espace de quelques mois dans leur grande majorité, ils sont recrutés parce qu’ils parlent aussi la langue française », soutient le père Daccache. « Le français n’est pas seulement une langue, c’est aussi une méthode de travail, une philosophie, un regard différent sur la culture », ajoute-t-il. À l’USJ, dont l’ADN est francophone depuis sa création, il a donc fallu s’adapter à cette nouvelle réalité, marquée depuis cinq ans.


Défendre la francophonie en Côte d’Ivoire et au Liban

Pour accompagner la baisse de la francophonie et répondre à une demande croissante, l’Université Saint-Joseph de Beyrouth a donc complété ses formations par une offre parallèle en anglais dans certaines filières. « Même dans ces filières, nous essayons d’inculquer à nos étudiants un peu de français », sourit le Recteur, précisant qu’aujourd’hui 79 % des étudiants suivent les parcours de licence en français, contre 20 % pour l’anglais et 1 % pour l’arabe.

Néanmoins, le père Daccache avoue parfois « se sentir seul et ne pas être aidé comme il le faudrait », égratignant la France au passage, qui concentre davantage son aide sur le scolaire que sur le réseau universitaire. « Nous sommes la seule université maintenant dans la région dont la langue de communication reste le français. »

La francophonie est en revanche très vivante dans une autre branche, à des milliers de kilomètres de Beyrouth. En septembre 2024, une centaine d’étudiants ont fait leur rentrée à l’USJ-Côte d’Ivoire à Abidjan, où quatre facultés ont été ouvertes, grâce à l’impulsion et au financement de partenaires ivoiriens d’origine libanaise. « Cela répondait à une demande des acteurs socio-économiques libanais qui souhaitaient être au service de la Côte d’Ivoire », précise le père Daccache.

Une nouvelle expansion après une autre, il y a quinze ans à Dubaï, où l’USJ avait été sollicitée par le gouvernement de l’Émirat pour y ouvrir un centre de formation juridique. Avec sa vision universelle, ses valeurs et son savoir-faire, l’USJ compte bien renforcer ses fondations et sa stabilité financière pour perdurer encore cent cinquante ans de plus, au moins.

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