Destination avenir : l’administration publique libanaise revisitée
Des étudiants-chercheurs de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth ainsi que d’autres institutions, tous membres de l’initiative « Youth4Gouvernance », ont mené, depuis mai dernier, une recherche sur les problèmes de l’administration publique au Liban : grande faiblesse du secteur public du pays. L’étude s’est penchée sur les failles des institutions publiques ainsi que sur les solutions afin d’y pallier. Trois rapports ont ainsi été publiés, détaillant la perception de ce secteur par la population, les fonctionnaires et l’Inspection Centrale.
Deux issues principales ont résulté de ce projet. Avec peu d’étonnement, les chercheurs ont déterminé que l’administration publique est mal vue et mal jugée. De plus, cela a été l’occasion pour les étudiants d’établir une bonne gouvernance et de proposer des solutions palpables pour un pays en crise.
Les rapports ont été présentés vendredi 24 septembre 2021, au Campus des sciences sociales (CSS) de l’USJ, en présence de plusieurs personnalités politiques et universitaires : la ministre d’État pour la Réforme administrative, Najla Riachi Assakar, l’ambassadrice du Canada, Chantal Chastenay, le président de l’Inspection centrale, le juge Georges Attieh, le vice-recteur de l’USJ, le R.P. Salah Abou Jaoudé s.j., représentant le Recteur Pr. Salim Daccache s.j., ainsi que la doyenne de la Faculté de droit et de sciences politiques, Léna Gannagé. Était également présente l’ancienne directrice de l’Institut de sciences politiques, Carole Charabati, qui est également à l’initiative du projet Youth4Governance au sein de l’entreprise Siren Associates, partenaire de l’USJ dans ce projet, avec l’Inspection centrale.
Selon Pr. Daccache, dans son mot lu par le R.P. Abou Jaoudé « la formation des leaders du Liban de demain et des citoyens engagés pour le bien commun selon l’esprit et le projet éducatif de l’USJ, ne peut se faire sans le rapprochement de notre jeunesse universitaire des structures administratives publiques de l’État », qui insiste tout autant sur la « nécessité et l’importance de bien rapporter l’initiative au grand public, afin que notre peuple soit conscient que des jeunes ont fait le choix de rester ici dans leur pays ».
Ce ne fut pas une expérience facile à mener. Les 17 jeunes chercheurs ont interviewé environ 1065 personnes, leur faisant prendre conscience que trois quarts de la population libanaise qualifie son expérience dans l’administration publique de « dure » et même d’ « impossible ». Une part significative de libanais a également fait part de la « mauvaise conduite », de « la négligence, l’arrogance et la corruption » auxquels elle a été confrontée, ce qui fait qu’en grande majorité, les répondants considèrent leur relation avec l’administration publique comme étant « mauvaise ». Enfin, une large partie des personnes interrogées ne s’est jamais rendue dans une administration publique, et évite de s’occuper ou s’occuper elle-même de ses formalités administratives, pour éviter l’humiliation qu’ils disent y subir.
Le deuxième rapport, qui concerne les fonctionnaires dans les administrations publiques (huit au total interrogées), recense le regard que ces derniers portent sur leur propre bureaucratie. Si, pour un peu moins de la moitié d’entre eux, leur productivité n’est pas en baisse, la motivation n’y est pas. Les crises économiques et financières sont des causes majeures de cette démotivation et qui pousseraient même un nombre conséquent de jeunes employés à quitter leurs postes pour émigrer et trouver de meilleurs emplois, d’autant plus que le communautarisme et le népotisme empêchent toute ambition professionnelle des fonctionnaires publiques. En effet, les promotions se basent sur des critères sombres et flous.
Le troisième rapport interroge ainsi un échantillon de membres de l’Inspection centrale, pour qui les performances de l’administration « doivent encore être améliorées », la définition des tâches n’étant pas « toujours claire », et il en est de même « le code de conduite et la transparence », ce qui fait que seuls 38% des personnes interrogées admettent que les critères de promotions sont bien définis.
À cela, plusieurs solutions sont possibles. Les étudiants-chercheurs recommandent vivement des mesures techniques urgentes telles l’informatisation du secteur public ou la mise en place de centres ou guichets uniques, qui développent des codes de conduite et de compétences. De plus, il est important d’éveiller les Libanais à ces problèmes en leur inculquant une culture civique citoyenne et responsable.
Pour conclure, Carole Charabati a tenu à saluer ses étudiants pour leur travail rigoureux : « Ce programme parle du citoyen-expert, de la science au service du changement, de l’accompagnement des champions du changement où qu’ils soient, et de la fermeté face à ceux qui résistent à la reconstruction de notre État, a-telle souligné. C’est pourquoi notre alliance avec l’Inspection centrale est aujourd’hui tellement stratégique. »
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