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Joseph - Charles Mardrus (FM, 1892), médecin et célèbre homme de lettres

Portraits

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07.01.2020

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Dr Joseph – Charles MARDRUS (1868 - 1949), médecin, ancien de l’USJ, et célèbre homme de lettres.

En octobre 2004, on pouvait découvrir au musée du Montparnasse à Paris, une exposition consacrée au Docteur Mardrus, orientaliste de renom, auteur de nombreux ouvrages, dont j’avais gardé depuis des années son livre, la Reine de Saba. L’exceptionnelle destinée de ce médecin m’intriguait. Quelle ne fut ma surprise, en visitant cette exposition, d’apprendre en lisant sa brève biographie, qu’il s’agissait d’un collègue médecin, ayant vécu au Liban, diplômé de la même faculté de Médecine que la mienne, celle de l’Université Saint Joseph de Beyrouth. Stimulé par cette communauté d’origine culturelle et scientifique, je me décidais à rechercher ses origines et rassembler le puzzle de son destin hors du commun.

Le Dr Joseph-Charles Mardrus né au Caire le 11 novembre 1868, était le sixième enfant d’une fratrie de sept enfants, dont les parents, mariés en 1854, étaient Fathallah Mardrus, un riche négociant catholique, né au Caire le 2 Octobre 1827, et sa mère Camila Jamous. Celle-ci, une jeune cairote, héritera à la mort de son père, de sa charge diplomatique et décèdera à Beyrouth. A propos de son grand père, Ohannès Mardrus, devenu par la suite Jean Mardrus, originaire du Caucase, le Dr Mardrus écrit : « ’était un montagnard du Caucase, un simple et fruste chef de Clan ». Nous ignorons cependant de quelle ville ou quelle localité de cette vaste région du Caucase, partagée entre la Russie et l’empire Ottoman, venait sa famille. Dans les principales villes de cette région, Kharpout, Erzeroum et Sivas, les populations chrétiennes étaient syriaques et arméniennes.

Suite à la conquête Russe du Caucase, Ohannès Mardrus, « chef de Clan », protégé de la France en sa qualité de catholique, renonçant à devenir citoyen Russe, opte pour la nationalité française, sur proposition du corps consulaire français. Il obtient aussi, grâce à ses relations avec l’Imam, le titre de représentant du Chérif de la Mecque. Ohannès, dont le nom de famille, probablement francisé en Mardrus, devient Jean Mardrus quand il émigre en Egypte, sous le règne de Mohamet Ali, où le Khédive lui offre une belle maison et une pension somptueuse. C’est là que naîtra Fathallah Mardrus le 2 octobre 1827, dans une fratrie de 9 enfants, devenant plus tard un riche négociant père de 7 enfants. Son jeune fils Joseph, sixième de la fratrie, se rendait à l’école française de son quartier à dos d’âne. Il était proche de son oncle paternel Nasrallah, qui était propriétaire d’une compagnie maritime, parcourant la mer rouge avec pèlerins et négociants, où il avait aussi l’habitude d’amener ses neveux durant leurs vacances.

En 1878, à l’âge de 10 ans, ses parents l’envoient au Liban, où il va poursuivre ses études chez les Jésuites durant 14 ans. A l’internat du Collège Saint-Joseph de Beyrouth, il se distingue par d’excellentes notes et un talent à écrire des contes. Ses aptitudes littéraires éclataient avec tant de précocité et de force, que ses compositions françaises ou les discours latins sortis de ses heures d’étude, étaient lus en exemple à toute la classe et que plusieurs fois, ses maîtres n’ont pu résister au plaisir de les faire imprimer pour les distribuer aux élèves. Elève brillant dans ses études secondaires, il manifeste de réelles dispositions pour le français mais maîtrise mal l’arabe classique, en dépit d’une bonne connaissance de l’arabe vernaculaire. Tout au long de ses classes, il accumule prix et mentions. Après le baccalauréat en 1888, il entame ses études médicales à la Faculté Française de Médecine, dont il donne une motivation assez symptomatique d’une personnalité introvertie : « J’ai étudié la médecine pour me connaître physiquement, pour pouvoir bien analyser mon corps. Le corps contient l’âme, l’esprit, le cœur. Il ne faut pas le mépriser. L’âme se fatigue si elle n’est pas soutenue par le corps ». Il a 24 ans, quand il obtient le 1er décembre 1892, son premier diplôme spécial français (DSF) n°556, qui lui donnera le droit d’exercer dans les colonies mais pas dans la métropole. C’est à Paris qu’il poursuit sa formation médicale en obtenant le 18 décembre 1894 le doctorat en médecine n°799, avec une « mention très honorable », après avoir soutenu une thèse sur « Une contribution à l’étude du rétrécissement de l’urètre par l’électrolyse linéaire », dont le titre pouvait présager de l’avenir d’un brillant urologue et non pas celui d’un brillant homme de lettres.  

Il ouvre pour peu de temps un cabinet au Caire, puis s’engage comme médecin de la compagnie des messageries maritimes, durant cinq ans, de 1895 à 1899, ce qui lui donnera l’occasion de découvrir le Moyen-Orient et l’Asie du sud-est. Il sera aussi chargé de missions scientifiques et politiques en Orient et au Maroc.

De retour à Paris, il fréquente les milieux littéraires, les hommes de lettres et les artistes les plus en vus de l’époque :  Mallarmé, Gide, de Heredia, Apollinaire, Valéry, Huysmans, Bourdelle etc… Il épouse le 5 Juin 1900, une femme de lettres et poète, Lucie Delarue. Il publie de nombreux ouvrages dont la Reine de Saba, le Cantique des Cantiques, et traduit de l’arabe les Mille et une nuits, le Coran etc...

Il n’oublie pas pour autant ses origines orientales : « Que les dieux du Caucase et Allah me gardent d’oublier mon origine » écrit-il dans une lettre en 1913. Apollinaire écrit à son sujet : « Mon ami le Dr Mardrus que je vois souvent, me donne la nostalgie de l’Orient ». Antoine Bourdelle dira de lui : « Dr Mardrus est un grand savant, nourri de poésie Orientale, un homme spirituel ».

On peut aussi lire dans le livre qui lui a été consacré, paru à Paris en 2004 « Les Mille et une nuits et les enchantements du Dr Mardrus » : « C’est sa fidélité à ses origines, qui rend le destin de ce jeune intellectuel, particulièrement émouvant ».

Suite à une fracture du col du fémur, le Dr Mardrus s’est éteint, le 26 mars 1949, dans son appartement du quartier Saint Germain, situé au-dessus du café des deux magots, dont le voisin du dernier étage était Apollinaire. Il fut inhumé au Père Lachaise. Il avait 80 ans révolus.

A l'occasion de cette modeste biographie, je voudrais témoigner de ma reconnaissance et de ma gratitude à mes maîtres les professeurs de la Faculté Française de Médecine de Beyrouth, de 1959 à 1965 : les Révérends Pères Corset, Flamet, Dupré La Tour, Madet, Loiselet, sans oublier le Révérend Père Dumas, Martyr du Liban et avec lui d'autres Pères Jésuites, pour que vive cette terre du Liban, indispensable phare de la culture, de la connaissance et des valeurs humaines.

Dr Raymond Melki (FM, 1965)

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