La famille Moutran : médecins de grand-père à petit-fils

Si seulement les murs de la Faculté de médecine (FM) pouvaient parler. Ils nous raconteraient les histoires d’Alumni qui témoignent chacune à sa manière de leur vocation, de leur bienveillance mais surtout de leur passion. Ils valoriseraient des personnes qui cultivent et partagent un sentiment d’appartenance profond et la fierté d’être diplômées de la FM, au point qu’elles sembleraient indissociables de leur Faculté. Ce sentiment particulier d’appartenance qui prend source dans les salles de cours et se forge avec des souvenirs communs, ne se perd pas mais se transmet d’une génération en génération. Dans la famille Moutran, la FM est une institution bien connue. Troisième génération de médecins, Homère Moutran qui a toujours baigné dans cet univers, se souvient et nous livre fièrement le parcours de son grand-père Béchara (FM, 1921) et celui de son père Georges (FM, 1967).

Béchara, né en 1894. Il est l’un des premiers médecins de la Bekaa. Durant la 1^ère Guerre Mondiale, il entame des études de médecine en Alexandrie et intègre par la suite la Faculté de médecine de l'USJ d’où il obtient le Diplôme de docteur en médecine en 1921. Après une spécialisation en Gynécologie et obstétrique à Paris, il retourne au pays natal et pratique à Zahlé jusqu'à la veille de son décès en 1966. Le poète Saïd Akl raconte que Béchara Moutran lui a sauvé la vie d'une maladie mortelle. A l'enterrement de Béchara, Saïd Akl lui rend un hommage impressionnant et fait son célèbre éloge funèbre : 

في أيام البؤس والشقاء، في أيام الفقر والجوع، كان لزحلة إثنان، الملاك الحارس وأنت  

Depuis, Akl a refusé de prononcer d’autres discours répondant toujours qu’il ne ferait jamais plus d’oraison funèbre telle qu’il l’avait faite à Béchara Moutran.

Georges, né en 1941 et décédé en 2014. Après son diplôme d'état français de docteur en médecine obtenu de la FM en 1967, il se spécialise en Gynécologie et Obstétrique à l'Hôpital Cochin de Paris. Engagé dans son métier et envers sa ville natale, il rentre exercer à Zahlé. Lorsque la guerre éclate en 1975, il ne se retient point de secourir les blessés quelle que soit leur appartenance politique ou militaire. Homère se rappelle qu'on venait chercher son père en milieu de nuit, pour suturer des blessés qui se trouvaient souvent dans un char militaire. A son enterrement, l'Archevêque de Zahlé évoque une génération entière de Zahléotes qui est mise au monde par les mains du Dr Georges Moutran. Georges a été pendant 13 ans Directeur médical de l'Hôpital Tel Chiha, le centre hospitalier de la Bekaa le plus important à l'époque. Il est décédé à l’âge de 74 ans, subitement d'une crise cardiaque dans son cabinet à Zahlé : à la fin d’une consultation, une patiente s’apprêtant à sortir du cabinet entend un bruit brusque, se retourne et le trouve par terre, inanimé ! 

Homère, né en 1980. Il a vécu à Zahlé jusqu'à l'âge de 15 ans. Après un bac. décroché avec mention, il s’inscrit à la FM et obtient un Diplôme de docteur en médecine en 2005. Il a été président de l'amicale des étudiants en 2001, en pleine période d’hégémonie syrienne. Il se considère chanceux d’avoir pris part au mouvement qui a conduit au départ des troupes syriennes en 2005. Homère se tourne par la suite vers l’hôpital universitaire de l’USJ, l’Hôtel Dieu de France et prépare un diplôme de spécialisation en Otorhinolaryngologie et un autre en Chirurgie cervico-faciale. En 2010, il met le cap sur New York pour effectuer un fellowship au Roosevelt Hospital, l’hôpital affilié à Columbia University. Il exerce ensuite à Northwell health et Lenox Hill Hospital et prépare MBA à l'University of Tennessee (2015). Actuellement, Homère est Directeur associé du département d'ORL au Staten Island University Hospital. Il vit à Manhattan avec son épouse Caline et son fils Matteo.