À l’ombre des réverbères, la lumière des mémoires

Lettre adressée au Professeur Salim Daccache s.j., à l’occasion des 150 ans de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth et de l’hommage rendu par l’Université à ses Alumni. 

Révérend Père Professeur Salim Daccache s.j., Recteur de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth,

A l'occasion du l50ème de l'USJ., vous avez tenu à rappeler--ce faisant, rendre hommage encore, à titre posthume -- à nos concitoyens, par le biais des pancartes accrochées aux réverbères des rues de la Capitale, ce qu'ont incarné les figures des élèves et étudiants (dont mon père feu Fayez Haddad, promotion 1942) des Pères jésuites, tout au long d'un glorieux siècle et demi accompagnant la formation historique du Liban politique et constitutionnel.

Inspiré du "Cours élémentaire de droit romain" (Paris, Sirey, tome 1 page 6 et tome 2 page 379) où appelait Paul Huvelin, son auteur, " à ne pas demeurer figé dans la contemplation du passé : la société vivant, il faut que le droit vive ”, élu Bâtonnier du Barreau de Beyrouth, par ses pairs en novembre 1968, Fayez Haddad s'empressa d'élaborer, de sa plume, le Code organisant la profession d'avocat, voté par le législateur par la Loi, toujours en vigueur jusqu'aujourd'hui, no. 8 /70 du 11 mars 1970.

Par atavisme familial, je ne manque pas de relever que l'hommage rendu à feu Issam Khoury, (promotion 1955), mon oncle maternel, ancien Bâtonnier (novembre 1981) et Ministre (octobre 1982), me touche également profondément. Soyez-en remerciés aussi.

Dans l'esprit de ses fondateurs l’USJ était destinée à paver la voie à un large échange d’idées entre l'Orient et l'Occident, puis à instaurer un fructueux débat sur 1’interaction entre deux cultures relevant, toutes deux, de civilisations différentes. Jusqu'à ce jour, fort heureusement d’ailleurs, la Communauté des Pères Jésuites ne cesse de perpétuer ces nobles traditions.

Le Liban, au destin duquel l'USJ a largement contribué, est profondément fier de votre communauté qui y ravive, pour de lointains lendemains tel que je l'espère, les traditions d'échange d'idées et de cultures, permettant ainsi à l'Université de constituer un pôle d'excellence dans cette région proche-orientale du monde qui se trouve confrontée aux meurtrissures des guerres à multiples facettes, et que seuls l'enseignement et l'esprit de fraternité peuvent combattre et dissiper.

N'est-ce pas que, en son enceintre, le Général de Gaulle, qui n’était encore que commandant, avait affirmé aux Libanais dans son discours du 3 juillet 1931 un appel qui reste d'actualité :

« Le dévouement au bien commun, voilà ce qui est nécessaire, puisque le moment est venu de rebâtir. Il vous appartient de construire un Etat. Non point seulement d'en partager les fonctions, d'en exercer les attributs, mais bien de lui donner cette vie propre, cette force intérieure sans lesquelles il n'y a que des institutions vides. Il vous faudra créer et nourrir un esprit public, c’est-à-dire la subordination volontaire de chacun à 1’intérêt général ».

Paroles prémonitoires qui méritent d'être méditées... et appliquées ! 

Révérend Père,

Votre laborieuse œuvre, à l'instar de celles de vos prédécesseurs, repose sur cette foi inébranlable, une espérance de croyant, et une passion sans faille. Vous, qui avez toujours été un guide spirituel pour des générations entières, n’êtes pas sans savoir qu’il n'existe de plus noble vertu, que la vertu elle-même... Préserver dans cet itinéraire salvateur est, en fait, suivre, pas à pas, la voie du Seigneur.

Consolider et raffermir d’avantage notre attachement à notre majestueux établissement universitaire demeure notre crédo.

Amal Haddad a inscrit son nom dans l’histoire du Liban en devenant, en 2009, la première femme à accéder à la présidence du Barreau de Beyrouth. Juriste émérite, elle est diplômée de la Faculté de droit et des sciences politiques (FDSP) de l’USJ, où elle a obtenu, en 1979, une licence libanaise et française en droit.